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Les "grands" ne sont "grands" que parce que nous sommes à genoux Levons-nous!

Plus loin. Un candidat pas comme les autres

Le 7 août, Fouad Ali El Himma n'était officiellement plus le numéro deux du régime, mais un simple candidat à la députation, représentant la région des Rhamna.
Personne n'avait vu venir le coup, même au sein du gouvernement et de la nomenklatura politique, incrédules.
Comment expliquer un tel coup de théâtre, comment trancher si le départ a été voulu ou forcé, à quoi nous prépare-t-on ?Démission ou licenciement ? Selon la version de l'agence officielle MAP, c'est El Himma lui-même qui a demandé à partir, pour se présenter aux élections.

Le ton de la dépêche, relativement neutre, ne renseigne pas davantage sur les motivations profondes de ce départ-surprise.
Extrait : “Le souverain a donné sa haute bénédiction à la demande de M. Fouad Ali El Himma de voir mettre fin à ses fonctions de ministre délégué à l'Intérieur et a bien voulu accéder à son souhait de se présenter aux prochaines élections législatives”.
Assailli de questions, El Himma a eu pratiquement la même réponse pour tous : “Ma démarche ne répond à aucun agenda politique”.
L'ancien ministre laisse ainsi entendre que ce qui s'est passé ne répond à aucun calcul et qu'on ne risque pas de le voir, comme on peut légitimement le penser, briguer un nouveau mandat ministériel (la primature ?) dans quelques semaines. A voir. “Si ce départ n'obéit réellement à aucun calcul politique, et si El Himma a délibérément choisi de troquer son portefeuille ministériel contre un éventuel mandat de député de Benguérir (chef-lieu des Rhamna), c'est que sa démission est réellement un éloignement”, nous fait remarquer cet observateur.
En effet,Entre numéro deux du royaume et numéro un des Rhamna, il n'y a pas photo.Dans tous les cas, il va sans dire que la surprise du chef a traversé, dès son officialisation le 7 août, le landerneau politique comme une onde de choc.
“Quoi ? El Himma parti ? Et, qui plus est, pour se présenter aux élections ?”. Personne n'a encore fait le tour de la question. Mais tous, à des degrés différents, ont eu raison de s'inquiéter du départ de “Si Fouad”.
“Partis et décideurs ont été d'un seul coup privés de leur interlocuteur numéro un, ils se sont un peu retrouvés orphelins de la voix du Makhzen”, résume cet observateur.
El Himma s'occupait de tout, même s'il ne gérait pas à lui seul tous les dossiers. Consulté, écouté, son champ d'intervention était si large que l'imaginer un seul instant loin des affaires, et ne s'occupant plus de rien (sinon de sa campagne électorale), peut, effectivement, ébranler le quotidien de l'élite marocaine.
Ce n'est pas tout : en quittant le gouvernement avant de se présenter aux élections, le numéro deux du régime met à mal les ministres candidats aux élections (ils sont treize dans ce cas) qui, eux, n'ont pas quitté leurs fonctions… Même si personne n'a imité El Himma, son initiative, quelles que soient ses motivations, a valeur de symbole. Et un symbole positif.
Un ministre qui démissionne (ou que l'on démissionne) avant de se porter candidat aux élections est une pratique nouvelle, qui participe bien à la moralisation de la vie politique.
Qui peut dire le contraire ?La théorie de la “démission sincère du citoyen El Himma” a, bien entendu, ses adeptes. Qui se gardent bien de se projeter au-delà des élections.
Ecoutons, par exemple, le point de vue de Jamal Berraoui, un journaliste qui connaît bien le profil du personnage. “Pour moi, il n'y a aucune manœuvre politique là-dedans.
La démarche me semble sincère parce qu’El Himma a grandi avec la perspective de participer à la gestion de la chose publique, à faire directement de la politique.
En se portant candidat aux législatives, il va dans le sens d'un Maroc des institutions (Parlement, gouvernement, etc.), et il prouve que toute la littérature sur le nouveau Basri, l'homme fort du régime, etc., ne tient pas la route”.Futur Premier ministre ?D'autres observateurs, plus ou moins proches des affaires du sérail, soutiennent mordicus que, congédié ou pas, El Himma n'aurait eu l'idée de démissionner pour se présenter aux élections qu'après avoir essuyé une colère royale.
Selon cette théorie, invérifiable pour le moment, le souverain aurait clairement reproché à son (ancien ?) bras droit la gestion courante des soubresauts de l'actualité marocaine du début d'été : vrai-faux départ de Mounir Majidi, implication des militaires dans l'affaire Al Watan, etc.
“La tension, déjà palpable entre les deux hommes, a décuplé au lendemain de l'escapade d'El Himma au poste-frontière de Bab Sebta, début aôut, quand il a fait irruption pour donner des instructions aux uns et aux autres et chambouler tout le service d'ordre de part et d'autre de la frontière maroco-espagnole”. Les adeptes de la théorie du clash soutiennent qu'un poste de wali aurait même été suggéré à El Himma, avant que ce dernier ne trouve le moyen de maquiller “honorablement” sa sortie en se présentant aux élections… Intéressant, mais invérifiable.
Il est par ailleurs intéressant de relever que dans toute l'histoire marocaine, jamais un haut responsable n'a démissionné pour se présenter aux élections. A une exception, survenue en 1977, comme nous le relate l'historien Abdellatif Jebrou.
“Le régime voulait à l'époque le retour du Docteur Benhima au poste de ministre de l’Intérieur, en lieu et place de Haddou Chiguer.
On a donc invité ce dernier à se présenter aux élections, chose qu'il a faite (sous la bannière du RNI, alors tout nouveau parti fondé par Ahmed Osman)… pour céder effectivement la place à Benhima. En gros, c'était une comédie mise en scène par le système”.L'anecdote de Chiguer donne pour le moment du crédit à la théorie du clash/ éloignement d'El Himma.
Mais l'histoire récente nous enseigne qu'un éloignement n'est pas forcément définitif.
Rochdi Chraïbi, discret mais proche conseiller royal, n'a-t-il pas été tenu à l'écart des affaires avant d'opérer un retour en douce depuis quelques mois ? Mounir Majidi, argentier du roi, n'a-t-il pas été sérieusement ébranlé par l'affaire des terrains des Habous, avant de revenir en grâce, comme si de rien n'était ? Et puis, en l'état actuel des choses, le Pouvoir peut-il se permettre d'échanger, en un claquement de doigts, un El Himma, homme de tous les dossiers chauds, contre un El Himma député des Rhamna ? Pas si simple.Pour commencer, le candidat El Himma a toutes les chances de remporter un nouveau mandat de député, lui qui a déjà représenté les Rhmana, sa région natale, entre 1995 et 1997.
Au lendemain des élections, il peut parfaitement être coopté dans la prochaine configuration gouvernementale.
Et là, toutes les éventualités sont envisageables, même celle d'un El Himma Premier ministre. Ce serait une (petite) défaite pour la démocratie dans le sens où la primature devrait revenir au leader d'un parti sorti vainqueur des urnes.
Mais, après tout, Driss Jettou, technocrate et sans appartenance politique, n'a-t-il pas été porté à la primature en 2002, au lendemain des premières élections honnêtes du royaume ?Ce cas de figure n'est pas le seul.
Il en existe un autre, intermédiaire, qui pourrait arranger tout le monde : le candidat El Himma franchit avec succès l'examen des élections et rejoint la cohorte des conseillers royaux. Ce ne serait pas illogique.
Car, alors, le long vécu du personnage (23 ans dans les couloirs du ministère de l'Intérieur !) ne partirait pas en fumée...
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Campagne. Monsieur est un “SEP”

“Je ne suis pas un SAP (sans appartenance politique), mais un SEP (sans étiquette politique)”, répond Fouad Ali El Himma à ceux qui ont fait le déplacement aux Rhamna, pour suivre sa campagne électorale.
Le message est clair : “Je ne peux pas me présenter sous la bannière d'un parti existant, mais je suis bien un politique”.
L'ancien ministre délégué à l'Intérieur fait partie des 13 SAP (pardon, SEP) qui se présentent aux élections du 7 septembre. Il a recueilli, d'après son entourage, plus de 600 signatures, dont celles de 80 élus de la région.
Le candidat El Himma conduit par ailleurs une liste de trois personnes, avec Hamid Narjiss, qui n'est autre que son oncle (et directeur de l'Institut national de recherche agronomique), et Fatiha Layadi, responsable au ministère de la Communication et ancienne journaliste.
La liste compte bien rafler les trois sièges en jeu aux Rhamna. Et elle a des chances d'y parvenir, malgré la forte concurrence de partis comme le RNI, l'USFP, voire l'Istiqlal ou le PJD. Sur le terrain, la population semble en partie croire que le candidat a été “envoyé (par le Palais)”. “Rahoum sayfouth lina”, répètent ainsi à volonté femmes et hommes des Rhamna.
“Avec lui, au moins, on est sûrs que notre région bénéficiera davantage des effets du développement humain”. Car les Rhamna est une région pauvre, au rendement agricole bien en deçà de ses potentialités (“D'où le choix du tracteur comme icône de la liste El Himma”, explique-t-on dans son entourage) et dont l'un des chefs-lieux, Benguérir, a entamé une mort lente depuis l'inauguration de l'autoroute Casablanca - Marrakech.
Enfin, retenons pour le fun que la campagne du candidat El Himma a reçu le soutien de nombreuses personnalités, parfois inattendues, comme les footballeurs Hassan Nader ou Mustapha El Haddaoui, l'athlète Hicham El Guerrouj, des personnalités de la société civile comme Mohamed Mjid, Ahmed Khchichen, etc.

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Plus loin. Un candidat pas comme les autresFouad Ali El Himma simple candidat à Benguérir a quelque chose d'irréel.
Car l'homme est le principal interlocuteur de toute la classe politique réunie, celui, pour reprendre l'expression d'un observateur, “qui la mène par le bout du nez”.
En plus d'être le plus proche collaborateur du roi.
Que cet homme quitte son piédestal pour plonger dans la mêlée électorale, et nous voilà noyés dans un bain d'interrogations.
Désolés, on n'a pas l'habitude. Le Maroc n'a pas connu d'homme abandonnant son costume de numéro deux pour un hypothétique siège au Parlement. Ce serait trop beau.
Maintenant, la candidature d'El Himma pose une série de problèmes.
Le combat peut-il être équitable entre ce ponte de l'Intérieur, largement perçu par les autochtones comme étant “l'envoyé (du Palais)”, et les autres candidats de la région des Rhamna ? Les autorités locales peuvent-elles rester de marbre devant ce candidat qui les coiffait de son autorité, il y a quelques semaines encore ? Et puis, se présenter sans appartenance politique n'est-il pas incommode dans un pays qui bat campagne pour inciter les gens à adhérer aux partis politiques ? Ces interrogations méritent réflexion même si, de toute évidence, la candidature d'El Himma semble répondre à d'autres desseins. L'homme doit avoir son avis sur la question.
Nous, on a juste l'impression qu'une redistribution des cartes est peut-être en train de s'opérer dans les coulisses. L'éclipse officielle d'El Himma renforce aujourd'hui, de facto, les prérogatives d'un Chakib Benmoussa, ministre de l'Intérieur, voire d'un Yassine Mansouri, l'autre spécialiste du renseignement et de la gestion (plus discrète) des dossiers chauds.
Mais son arrivée au Parlement promet, elle, de perturber ses futurs occupants, mais aussi la prochaine équipe gouvernementale. Bien malin celui qui pourrait en dire plus. Pour le moment.

Karim Boukhari
TelQuel

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